La Turquie bloque Instagram : que signifie cette décision ?

Début août 2024, les autorités turques ont décidé de bloquer l’accès à l’une des plateformes sociales les plus populaires au monde : Instagram. Cette décision a suscité une vague de controverses, tant sur le plan national qu’international. Examinons de plus près ce qui s’est passé en Turquie, les raisons invoquées par les autorités, ainsi que les conséquences pour les utilisateurs d’Instagram et l’économie turque. Existe-t-il un moyen pour les citoyens turcs et les touristes de contourner ce blocage ?

Blocage d’Instagram en Turquie : que s’est-il passé exactement ?

Le 2 août 2024, les autorités turques ont annoncé le blocage d’Instagram sur l’ensemble du territoire national. La raison officielle invoquée était un prétendu traitement inéquitable de la part de Meta Platforms. L’Autorité des Technologies de l’Information et de la Communication (BTK), chargée de superviser l’activité Internet en Turquie, n’a dans un premier temps ni précisé la durée du blocage, ni fourni de justification détaillée.

Selon Reuters, cette décision serait liée à la mort du dirigeant palestinien du Hamas, Ismaïl Haniyeh, en Iran. La Turquie a condamné les attaques israéliennes sur Gaza, appelant à un cessez-le-feu immédiat entre les deux parties, tout en critiquant le “soutien inconditionnel” de l’Occident envers Israël. Bien qu’Israël ne se soit pas attribué la responsabilité de l’attaque contre Haniyeh, les réseaux sociaux ont été inondés de messages de condoléances et de contenus pro-palestiniens. Les autorités turques accusent Meta d’avoir censuré et supprimé la majorité de ces publications, portant atteinte à la liberté d’expression des citoyens turcs. Fahrettin Altun, responsable du département de communication présidentielle, a déclaré : « C’est de la censure, pure et simple. » Fait notable, d’autres plateformes appartenant à Meta, telles que WhatsApp et Facebook, sont restées accessibles.

Israël et ses alliés occidentaux considèrent le Hamas comme une organisation terroriste — une désignation que la Turquie, membre de l’OTAN, ne reconnaît pas. En réaction, plusieurs responsables politiques turcs ont critiqué l’attitude des plateformes sociales, leur reprochant d’appliquer avec rigueur les règles aux États-Unis et en Europe, tout en négligeant de faire de même pour la Turquie. Ils soulignent également que toute infraction turque aux standards internationaux est systématiquement dénoncée à l’étranger.

Il convient de rappeler que ce n’est pas la première fois que le gouvernement d’Erdoğan bloque l’accès à certains services numériques. Des sites comme Wikipedia, Facebook ou encore l’ex-Twitter ont déjà été temporairement restreints dans le passé.

Conséquences économiques du blocage

La décision de bloquer Instagram n’a pas uniquement des implications politiques — ses répercussions sont également économiques. En Turquie, plus de 57 millions de personnes utilisent Instagram, faisant du pays l’un des plus grands marchés de la plateforme à l’échelle mondiale. Parmi ces utilisateurs figurent des particuliers, mais aussi de nombreuses entreprises qui utilisent le réseau pour leurs activités commerciales.

Ce blocage a notamment eu un effet négatif sur le commerce en ligne, en particulier pour les sociétés qui vendent directement via les réseaux sociaux. Emre Ekmekci, vice-président de l’Association des Opérateurs du E-commerce, estime que le blocage pourrait coûter jusqu’à 900 millions de livres turques par jour à l’économie nationale. De nombreux entrepreneurs craignent que la prolongation de cette mesure entraîne des pertes considérables.

Réactions des utilisateurs et moyens de contournement

Le blocage d’Instagram a suscité une grande frustration parmi les utilisateurs, en particulier ceux qui s’en servent à des fins professionnelles. Les touristes présents en Turquie ont également été impactés, incapables de partager leurs photos ou stories de vacances.

Nombre d’utilisateurs ont choisi de contourner le blocage en utilisant des services VPN, qui permettent de modifier leur localisation virtuelle pour accéder à des services restreints. Le système détecte ainsi une connexion depuis l’étranger. Des applications comme TuxlerVPN ont connu une explosion de popularité en Turquie, tant auprès des touristes que des citoyens. Une hausse significative des téléchargements de ce type d’outils a été observée sur smartphones et ordinateurs.

Retour d’Instagram après neuf jours

Neuf jours plus tard, le ministre turc des Transports et des Infrastructures, Abdulkadir Uraloğlu, a annoncé le rétablissement de l’accès à Instagram, à l’issue de discussions avec les représentants de Meta Platforms. Sur la plateforme X, il a affirmé que Meta s’était engagé à coopérer avec les autorités turques afin de répondre à leurs exigences concernant les “crimes” et la “censure” envers les utilisateurs.

Le ministre a précisé que Meta avait accepté de supprimer les comptes affiliés à des organisations terroristes telles que le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), ainsi que les contenus de propagande associés. Comme la définition du terrorisme varie d’un pays à l’autre, les représentants d’Instagram ont dû consentir à ajuster leurs algorithmes afin de bloquer les contenus émanant d’organisations figurant dans le registre turc des entités terroristes.

Ce blocage d’Instagram constitue un nouvel épisode dans les tensions croissantes entre Ankara et les géants technologiques occidentaux. La décision des autorités turques a ravivé le débat autour de la liberté d’expression, de la censure et du rôle des réseaux sociaux dans les relations internationales. Toutefois, dans ce type de situations, les utilisateurs réguliers savent souvent contourner les restrictions gouvernementales grâce à l’usage de VPN.

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